le vicomte du Bourg de Bozas
et son épouse
Mort
de l’explorateur
En 1902, le vicomte
du Bourg de Bozas, l’explorateur bien connu, avait entrepris une expédition
aux g
rands lacs africains à travers l’Ethiopie.
Il avait fait appel
pour ce voyage au concours de M Spark.
Mais à Djibouti point de départ de l’expédition une brouille
survint entre les deux explorateurs. M Spark reprit la route de France et M du
Bourg continua son voyage ; il mourut du reste quelques temps après sur le
bord du Nil. La mission qu’il dirigeait
est revenue en France en 1903 ( Voir l’article du Temps)
Rentré en France, M Spark réclama à la famille du Bourg de
Bozas le montant de ses honoraires et de ses frais, soit 3,500 francs.
Sur le refus de la
famille, le tribunal fut saisi et l’affaire venait hier devant la sixième
chambre qui a condamné la famille du malheureux explorateur à payer la somme
qu’il réclamait.
Marguerite du Bourg
de Bozas femme de l’explorateur, alors
que celui-ci entreprend un tour du monde d’exploration en 1900, l’intrépide
comtesse décide de faire partie du voyage. Armée d’un appareil photo, elle
tient un journal très vivant et coloré.
Le 28 décembre 1900, les époux du
Bourg de Bozas quittent Marseille en direction de l’Asie. Les escales sont
nombreuses et après Singapour vient Hong Kong. «Dans le port, plusieurs navires
de guerre battant pavillon anglais sont à l’ancre ; à côté, de nombreux
sampans, sur lesquels habite une population bruyante d’indigènes. Comme fond à
ce spectacle animé, des montagnes aux lignes capricieuses, au milieu desquelles
le pic de Hong Kong s’élève majestueusement, dominant la ville».
La comtesse se cultive dès son arrivée. Elle raconte l’histoire de l’occupation
de Hong Kong par les Anglais comme un épisode «assez curieux». Dans son long
récit, il n’y a pas une goutte de sang ; elle semble oublier la guerre de
l’opium et conclue qu’en «en 1842, à la suite de pourparlers souvent orageux,
l’île de Hong Kong est cédée aux Anglais».
«Une grande animation règne dans l’artère principale.
Européens et Célestes vont et viennent, très affairés. Queen’s road est une
large avenue bordée de nombreuses boutiques anglaises et chinoises ; elle est
le centre, le boulevard des Italiens de la ville. Les rickshaws y circulent
avec rapidité, traînés par des Chinois infatigables ; des coolies portent des
sedan chairs, dans lesquelles sont mollement étendus des Européens ou des
Célestes en costume de soie brochée».
La comtesse, comme
beaucoup de voyageurs, est intriguée par «les policemen punjab» ces détachements
de policiers Indiens, connus et réputés pour leur physique athlétique et leur
fermeté au travail. «Au milieu de cette agitation, [ils] se promènent gravement
en uniformes sombres et coiffés de turbans écarlates ; avec leurs yeux noirs
étincelants, leur visage osseux aux traits heurtés».
Marguerite du Bourg de Bozas s’attarde sur le comportement
des Chinois : «leur sens des affaires, leur activité, leur souplesse, sont
autant d’éléments de succès dans une ville commerciale comme Hong Kong, où nombre
des leurs ont fait fortune».
Puis son attention est de nouveau attirée par le Pic ; elle
explique que c’est l’endroit le plus frais et le plus ventilé de la ville
lorsque les chaleurs estivales sont accablantes. C’est pourquoi les Européens y
font construire leur maison. «Nous avons fait l’ascension de cette montagne en
tramway électrique. Au premier abord, on éprouve la sensation de monter
lentement, graduellement, sans secousse ; mais bientôt le tramway se redresse
brusquement et, bien que la côté soit très rude, il monte avec rapidité ; on
ressent pendant ce voyage une impression désagréable. De plus, le système de
traction n’est pas à crémaillère : qu’un accroc se produise, et nous sommes
précipités en bas et pulvérisés !» Après ces émotions, la valeureuse comtesse
admire le paysage.
Et au retour en ville, une séance de shopping s’impose… «En
Europe, les cafés et les restaurants abondent : en pays chinois, ce sont les
pâtisseries, et j’en vois tout le long des voies que nous suivons. On me montre
des gâteaux aux pastèques, des tartelettes de nids d’hirondelles au sucre, des
graines de melons noirs que les Chinois seuls savent ouvrir, des olives, des
mangos, espèce de fruit qui ressemble au melon sans en avoir le parfum, et des
morceaux de canne à sucre arrangés si habilement qu’ils attirent les regards
brillants de convoitise des Célestes».
Vient ensuite une balade dans Happy valley… «La vallée
heureuse est la promenade favorite des Européens […] nous nous trouvons sur une
route bordée de prés verdoyants. A droite, s’étend le cimetière européen, qui,
au premier abord, semble un vaste parc où les arbres et les fleurs ont été
plantés à profusion». Prise de mélancolie, la comtesse s’épanche sur les tombes
dans une réflexion sur les malheurs de la colonisation. Pour elle, beaucoup
d’Européens courent après des mirages dans des pays certes riches «mais où
l’initiative et l’effort personnel sont nécessaires plus que partout ailleurs».
Note sur
une photo
Un Européen en costume d’explorateur,
casque colonial à la main, est assis légèrement en avant d’un groupe d’hommes
et femmes africains, nus ou vêtus de quelques morceaux de tissu, devant un fond
de cases. L’Européen sourit à l’objectif, alors que l’expression des visages
des Africains, dont certains regardent à terre, est plus difficile à
interpréter.
Cette photographie de 1902 a été choisie pour
affiche d’une exposition récente consacrée à un voyage d’exploration en
Abyssinie, la mission du Bourg de Bozas.
Elle était présentée dans l’exposition accompagnée
de la légende suivante : « Le vicomte Robert du Bourg aimablement reçu chez les
Karo », sans que soit précisé s’il s’agit-là d’une légende originale, ou – plus
probablement – d’une formule des auteurs de l’exposition.
On s’interroge sur le sens d’une telle
légende, rappelant le vocabulaire d’une invitation à un thé dans la haute
société parisienne que fréquentait le vicomte.
Le texte de l’exposition précise que la
mission a trouvé plutôt un bon accueil chez les Karo (par contraste avec
l’hostilité qu’elle a rencontrée chez d’autres groupes), mais les visages
fermés de la photographie peuvent difficilement être qualifiés d’« aimables »
selon le code expressif qui nous est familier. « Les Karo » sont ici une masse
noire anonyme sur le fond desquels se détache l’explorateur qui a donné son nom
à la mission.
Nous n’en saurons pas plus sur les circonstances
de la photographie, ni même le lieu exact de la prise de vue.
La mise en scène et la légende de cette
photographie, dans une exposition réalisée par deux grands établissements
scientifiques – les archives de l’Institut Pasteur et le Musée de l'Homme –
sont révélatrices du statut souvent peu
réfléchi qu’a en France l’usage de la photographie
ethnographique 3.
Ref : Photos du Petit Journal
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