mardi 2 octobre 2012



Monsieur de Montclar et le château de Meyrez

( Manuscrit du Mialan)




Au commencement du XIXème siècle, la terre de Meyrez appartenait à Mr et Mme de Montclar, deux vieux époux, sans enfants, et très riches.

Ils n’avaient pas de proches parents ; ils adoptèrent le fils de leurs fermiers, se proposant d’en faire leur héritier.

Celui-ci, parvenu à l’âge de 16 ans se brûla la cervelle

 Cette catastrophe les dégoûta des adoption, ils poursuivirent leur existence dorée mais triste, sans soutien et sans affection.
Ils habitèrent la plus grande partie de l’année dans leur propriété, située en Dauphiné ; ils venaient passer l’automne à Meyrèz.
Montclar aimait à recevoir les hobereaux du voisinage. C’était tous les jours des parties de chasse, on furetait les roches de Crussol ; peuplées de lapins ; on poursuivait le lièvre, assez abondant alors, dans les ravins de Toulaud ; au retour un excellent dîner attendait les chasseurs.

L’amphytrion s’amusait à faire des expériences sur l’estomac de ses convives. Il avait invité un jour un grand nombre de voisins et de voisines ; la grande salle du château était garnie ; le repas fut somptueux : on servit des plats de viandes les plus variées ; filet de bœuf, tête de veau, côtelettes  de moutons, outre le gibier, les nombreux hors d’œuvres et les plus beaux fruits.
Quand on eut bien dîné, les convives vantèrent la splendeur du  repas.

Montclar de sa petite voix futée, dit d’un ton modeste ; c’est un dîner du crû. On se récria ; mesdames, ajouta-t-il, je vous assure que tout ce qui a été servi ; à l’exception du sucre et du café, a été récolté sur le domaine de Meyrez. En effet la veille il avait vendu au boucher un bœuf, un veau, un mouton, sous réserve de laisser prélever par sa cuisinière les morceaux de choix.

Une autrefois, après le café, il demanda comment on  trouvait son rhum : excellent répondit on en cœur, il raconta qu’il s’adressait à une des premières Maisons de Bordeaux, dont la marque était très estimée.
Quand le flacon fut vide, il en fit venir un second : goûtez de celui-ci, messieurs. on s’exclama ; celui-ci était bien supérieur ; c’était du vrai « tafia ».
Un troisième flacon fut apporté, qu’il dit avoir reçu d’un capitaine de navire  Anglais, venant de la Jamaïque. L’enthousiasme était lassé ; peut-être les convives se trouvèrent-ils un peu bernés.
Ils burent le vrai « Tafia » sans faire de compliments.
 C’est dans ces jeux que le vieux Montclar, cherchait à égayer ses derniers jours.

Il mourut en 1825, instituant, sa femme sa légataire universelle. Elle lui survécut 8 ans. Elle aimait le séjour de Meyrez, y venait fort souvent, mais plus de chasses, plus de festins. Les échos du château n’étaient réveillés que par les accès de toux de la vieille «  cacochyme » 
Elle légua tous ses biens à une amie d’enfance, presque aussi âgée qu’elle, Mlle Camille de Saint-Prix, qui habitait à Saint Pèray.

Mlle Camille était une petite vieille, très brune, marchant d’un pas saccadé , comme mue par des ressorts. Elle était toujours vêtue de jaune à cause de son teint ; même le petit sac, contenant son mouchoir de poche et ses lunettes, qu’elle portait selon la mode de 1830, était en soie jaune.
Dés frises noires encadraient sa figure et n’avaient pas l’air d’être rapportées, tant sa peau était olivâtre.
Avec cela, fille d’esprit et assez maligne.

A l’époque du mariage de Mlle de Cachard, la fille du général, ave Monsieur Pradelles, à l’aspect du futur époux à genoux aux pieds de sa belle, débitant une tirade de zaïre, elle murmura ; il me semble voir la brelle et la bête.

Elle ne jouit de l’héritage de Mme de Montclar, que pendant deux ans, si toutefois, la possession est une jouissance, quand on n’a plus de dents. Depuis longtemps, son héritier désigné était l’aîné de ses neveux, Monsieur Ernest de Saint Prix.

Celui-ci en jouit et même beaucoup trop vite. Ernest était un homme très spirituel mais sans cervelle.
Pas beau, il plaisait par sa verve endiablée, il avait un fond inépuisable d’anecdotes sur les anciens et sur les choses du pays.

On lui trouvait un peu trop d’assurance, quelque chose du commis voyageur. Mais comme il ne parlait pas de lui et que tout ce qu’il disait pétillait d’esprit, on passait sur ce défaut.

Il alla peu à Meyrez. Il racontait qu’à sa première visite, il avait trouvé une armoire pleine de perruques de Mme de Montclar, il voulut se débarrasser de cette dépouille encombrante ; il faisait froid ; toute la matinée, les perruques servirent à alimenter son feu.

Meyrez fut bientôt mis en vente. Le prix de ferme était de 6000 frs. Il consentait à le céder pour 100.000 frs. L’avocat Anselme voulut marchander, il alla de 80 à 90.000 frs. Ernest impatienté afficha la vente de son domaine par parcelles. Il retira du tout 125.000 frs.

Les bâtiments furent achetés par deux riches paysans. Un certain Chapelle est propriétaire du château.     


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