Monsieur de Montclar et le
château de Meyrez
( Manuscrit du Mialan)
Au commencement du XIXème siècle, la terre de Meyrez appartenait
à Mr et Mme de Montclar, deux vieux époux, sans enfants, et très riches.
Ils n’avaient pas de proches parents ; ils adoptèrent le fils de
leurs fermiers, se proposant d’en faire leur héritier.
Celui-ci, parvenu à l’âge de 16 ans se brûla la cervelle
Cette catastrophe les dégoûta
des adoption, ils poursuivirent leur existence dorée mais triste, sans soutien
et sans affection.
Ils habitèrent la plus grande partie de l’année dans leur propriété,
située en Dauphiné ; ils venaient passer l’automne à Meyrèz.
Montclar aimait à recevoir les hobereaux du
voisinage. C’était tous les jours des parties de chasse, on furetait les roches
de Crussol ; peuplées de lapins ; on poursuivait le lièvre, assez
abondant alors, dans les ravins de Toulaud ; au retour un excellent
dîner attendait les chasseurs.
L’amphytrion s’amusait à faire des expériences sur l’estomac de ses convives. Il
avait invité un jour un grand nombre de voisins et de voisines ; la grande
salle du château était garnie ; le repas fut somptueux : on servit
des plats de viandes les plus variées ; filet de bœuf, tête de veau,
côtelettes de moutons, outre le gibier,
les nombreux hors d’œuvres et les plus beaux fruits.
Quand on eut bien dîné, les convives vantèrent la splendeur du repas.
Montclar de sa petite voix futée, dit d’un ton modeste ; c’est un dîner du
crû. On se récria ; mesdames, ajouta-t-il, je
vous assure que tout ce qui a été servi ; à l’exception du sucre et du
café, a été récolté sur le domaine de Meyrez. En effet la veille il
avait vendu au boucher un bœuf, un veau, un mouton, sous réserve de laisser
prélever par sa cuisinière les morceaux de choix.
Une autrefois, après le café, il demanda comment on trouvait son rhum : excellent répondit
on en cœur, il raconta qu’il s’adressait à une des premières Maisons de
Bordeaux, dont la marque était très estimée.
Quand le flacon fut vide, il en fit venir un second : goûtez de
celui-ci, messieurs. on s’exclama ; celui-ci était bien supérieur ;
c’était du vrai « tafia ».
Un troisième flacon fut apporté, qu’il dit avoir reçu d’un
capitaine de navire Anglais,
venant de la Jamaïque. L’enthousiasme était lassé ; peut-être les
convives se trouvèrent-ils un peu bernés.
Ils burent le vrai « Tafia » sans faire de
compliments.
C’est dans ces jeux
que le vieux Montclar, cherchait à égayer ses derniers jours.
Il mourut en 1825, instituant, sa femme sa légataire
universelle. Elle lui survécut 8 ans. Elle aimait le séjour de Meyrez, y venait fort
souvent, mais plus de chasses, plus de festins. Les échos du château n’étaient
réveillés que par les accès de toux de la vieille «
cacochyme »
Elle légua tous ses biens à une amie d’enfance, presque aussi âgée
qu’elle, Mlle Camille de Saint-Prix, qui habitait à Saint Pèray.
Mlle Camille était une petite vieille, très brune, marchant d’un pas saccadé ,
comme mue par des ressorts. Elle était toujours vêtue de jaune à cause de son
teint ; même le petit sac, contenant son mouchoir de poche et ses
lunettes, qu’elle portait selon la mode de 1830,
était en soie jaune.
Dés frises noires encadraient sa figure et n’avaient pas l’air d’être
rapportées, tant sa peau était olivâtre.
Avec cela, fille d’esprit et assez maligne.
A l’époque du mariage de Mlle de Cachard, la fille du général, ave Monsieur Pradelles, à
l’aspect du futur époux à genoux aux pieds de sa belle, débitant une tirade de
zaïre, elle murmura ; il me semble voir la brelle et la bête.
Elle ne jouit de l’héritage de Mme de Montclar, que pendant deux
ans, si toutefois, la possession est une jouissance, quand on n’a plus de
dents. Depuis longtemps, son héritier désigné était l’aîné de ses neveux, Monsieur
Ernest de Saint Prix.
Celui-ci en jouit et même beaucoup trop vite. Ernest était
un homme très spirituel mais sans cervelle.
Pas beau, il plaisait par sa verve endiablée, il avait un
fond inépuisable d’anecdotes sur les anciens et sur les choses du pays.
On lui trouvait un peu trop d’assurance, quelque chose du commis
voyageur. Mais comme il ne parlait pas de lui et que tout ce qu’il disait
pétillait d’esprit, on passait sur ce défaut.
Il alla peu à Meyrez. Il racontait qu’à sa première
visite, il avait trouvé une armoire pleine de perruques de Mme de Montclar,
il voulut se débarrasser de cette dépouille encombrante ; il faisait
froid ; toute la matinée, les perruques servirent à alimenter son feu.
Meyrez
fut bientôt mis en vente. Le prix de ferme était de
6000 frs. Il consentait à le céder pour 100.000
frs. L’avocat Anselme voulut marchander, il alla de 80 à 90.000 frs. Ernest impatienté afficha la vente de
son domaine par parcelles. Il retira du tout 125.000
frs.
Les bâtiments furent achetés par deux riches paysans. Un certain Chapelle
est propriétaire du château.
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